Pêche

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Ma campagne de pêche hauturière

Un récit de Jean-Pierre Morin

En 1969, à 18 ans, un client de mon père me propose d'embarquer pour une campagne de pêche en mer d'Irlande. Une marée selon le terme de l'époque, c'est à dire entre 2 et 4 semaines de navigation dans les zones du canal St George, et du Sud Irlande qui étaient riches en merlus, daurades et autres espèces nobles.

La pêche hauturière Rochelaise vivait ses dernières années de relative prospérité.

Le bassin des chalutiers, avec l'encan, les chantiers, les bistrots, la Ville en Bois, formaient une communauté un peu à part de la ville. Toutes ces activités généraient une vie grouillante, un pittoresque et une inoubliable ambiance.

Tout ceci allait sombrer corps et biens quelques années plus tard, victime à la fois de la première crise pétrolière, et de l'éloignement de La Rochelle par rapport aux principales zones de pêche.

Mais ce petit monde haut en couleur ignorait encore tout cela, et pour moi, étudiant aux Arts Décoratifs, un embarquement même sur le plus déglingué des rafiots, c'était commencer à assouvir ma passion marine débutante.

Cet embarquement me permettait de soulever un coin du voile, accéder à un monde ignoré et fermé aux terriens : la pêche hauturière.

Le monde de la pêche, vu non pas d'un quai bien stable, mais d'un pont glissant, en bas d'une salle des machines, ou derrière la vitre d'une passerelle.

La vie sur un chalutier était complètement méconnue à l'époque.

Les chalutiers de mon adolescence : on se contentait de les regarder appareiller les uns après les autres, souvent à la marée du soir. Mais passés l'écluse, après un bref salut aux badauds d'un coup de sirène, ils disparaissaient dans la nuit.

Le marin pécheur je l'imaginais dans cet autre univers, partagé entre une bordée au repos et une autre à virer (remonter le chalut) de jour comme de nuit, quelque soit le temps, dans d'infectes odeurs de mazout et de poissons mêlées

A part quelques photos jaunies de bateaux à quai, il reste très peu de document du travail en mer dans les années 60, ces hommes, peut être par pudeur ou par humilité, parlaient peu de ce métier, et de ses dangers. Ils ne s'étendaient pas en littérature, et à bord avaient bien d'autres choses à faire que de prendre des photos, entre eux, je suppose, la peur devait bien exister quelquefois, mais à bord comme à terre on ne parlait pas de ces choses là.

Le chalutier Evel de 30 mètres de long hors tout, était déjà un vieux bateau en 1969, ce n'était pas un « pêche arrière », le chalut se remontait par deux portiques placés de chaque bord. Ce type de bateau qui n'avait guère évolué depuis l'avant guerre, avait un comportement très sain dans le mauvais temps, mais le système de chalutage par le coté rendait les manœuvres plus compliquées et pouvaient être beaucoup plus dangereuses que sur les pêches arrières. Quelque soit le temps, la remontée du chalut est une manœuvre délicate, qui s'effectue toujours de la même façon. Le treuil remonte les fûnes (gros câbles d'acier qui remorquent le chalut), dans le même temps le bateau vire de bord pour se mettre en travers des lames, l'homme de barre évite ainsi que le filet ne remonte vers l'hélice et ne se prenne dedans. Le bateau en travers de la houle protège de ses flans la zone plus calme pour la remontée finale du chalut. La poche avec ses centaines de kilos de poissons arrive en surface, un homme appuyé contre la lisse, doit passer sous le filet un bout relié au treuil, l'ensemble sera relevé pour être déposé au dessus du pont. Le chalut vidé, le poisson est rapidement trié dans des paniers, et pendant que des hommes remouillent le chalut, d'autres vident et nettoient les poissons, avant de les descendre dans les cales glacées et salées.

 

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Des paquets de mer à bord du Gascogne

Un récit de Lucien Joubert

5 Mai /23 Mai 1950

Après plus d’un mois passé à terre, j’embarquai sur le Gascogne, un chalutier de l’armement ARPV (Association Rochelaise de Pêche à Vapeur) de Jean-Claude Menu, un homme que je rencontrerais souvent au cours de ma carrière. Au cours de la marée, nous apprenons par le radio que l’armement Dahl venait de désarmer tous ses vieux chalutiers à vapeur. Dix navires !  170 marins étaient à terre, sans chômage. Le coup était rude pour le port de pêche. A cette époque, plus de 1000 marins y naviguaient régulièrement. La Rochelle était le deuxième port de pêche français après Boulogne-sur-Mer. Ce n’était pas le moment de débarquer. Malheureusement, je faisais une marée de remplacement…Je ne souriais pas ! Avant de rentrer, le patron m’a demandé si je voulais rester définitivement à bord : un matelot, originaire d’Etel, débarquait pour aller faire la pêche au thon. J’acceptais avec joie, c’était un soulagement !

Le Gascogne était un chalutier à vapeur nouvelle génération, construit après la guerre au Canada comme dommage de guerre avec trois autres navires identiques. Ils chargeaient beaucoup d’eau par mauvais temps, je dirais même qu’ils étaient dangereux. La lisse était très haute et nous arrivait à hauteur de la poitrine. Il avait fallu installer une marche de bois pour être à bonne hauteur afin de pouvoir embarquer le chalut. Je me souviens d’une journée, nous étions en pêche par furie de temps, le patron, comme bien d’autres, se fichait pas mal de ce que nous prenions dans la figure, c’était paquets de mer sur paquets de mer, de l’eau jusqu’à la taille, trempé du matin au soir… Soudain, ce jour là, une immense vague déferle sur le pont. Je me cramponne par le bras à l’escalier de la passerelle et je vois au milieu du chalut quelque chose qui passait emporté par la mer… je l’ai cramponné, la secousse fut rude ! 8 jours après, j’en avais encore un bleu au bras ! C’était le mousse qui était emporté par la mer avec sa boite à aiguille… Jamais la boite ne fut retrouvée, il revenait de loin ! Par contre, ces bateaux étaient très silencieux, rien à voir avec les bateaux à moteur. Quand ces navires étaient sur le départ, ils avaient à bord, 120 tonnes de charbon, 40 tonnes d’eau, autant de glace : l’eau était à ras le pont ! Mais ils étaient très propres, ils avaient une barre à drosse en chaînes, bien démultipliée, mais dure à manœuvrer. Cette série se composait du Poitou, Béarn, Guyenne, Gascogne. Tous appartenaient à l’ARPV (Armement Rochelais de Pêche à Vapeur), son directeur Jean- Claude Menu était diplômé de HEC, né en 1927. Cet armement fut créé au début du vingtième siècle, avec l’arrivée des navires à vapeur à La Rochelle.

A l’arrivée, mon épouse m’attendait sur le quai. Je lui ai annoncé la bonne nouvelle, un embarquement définitif ! Par ces temps de chômage, c’était un miracle ! Mais, le lendemain, jour de la vente, alors que nous revenions de toucher la paye et que nous allions prendre le car pour l’île de Ré, place de Verdun, le mousse nous rattrape et me dit que le patron voulait me voir à la Marine. Il était près de midi, les bureaux n’allaient pas tarder à fermer. Je file, accompagné de ma femme et, arrivé aux affaires maritimes, le patron m’annonce que je n’était pas rembarqué, soit disant que son second, ignorant sa promesse, en avait embarqué un autre…C’était un mensonge grossier ! Plusieurs témoins s’interposèrent, sinon je crois qu’il aurait passé un mauvais quart d’heure ! Je sus quelques temps plus tard qu’il avait embarqué un copain qui commandait le Penmarch  de chez Dahl, un des bateaux qui venait d’être désarmé… Ca ne lui a pas porté bonheur : au moment du départ, la marée suivante, il s’est oublié dans les bras accueillants d’une dame, la mère du mousse qu’elle venait conduire pour le départ du bateau. Ils étaient si bien occupés que les portes du bassin se refermèrent sans qu’ils s’en aperçurent. Pour couronner le tout, les gens sur le quai profitaient de leurs ébats : il faisait nuit et le rideau du hublot n’était pas tiré ! L’armement n’a pas apprécié et, à son retour il fut débarqué. Il partit de La Rochelle et plus personne à ma connaissance n’a jamais entendu parler de lui !

 

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Georges Bourriau : cuisinier à la pêche et au commerce

J’étais cuisinier pâtissier de métier. Je travaillais dans les hôtels de La Rochelle. J’étais en congé et un copain m’a dit : « ça te plairait de naviguer ? » J’ai dit oui. J’ai mis le doigt dans l’engrenage et j’y suis passé tout entier. J’ai commencé sur le Sterne, armement Lebon, dans les années cinquante. J’ai continué sur le Lésio, le Bernache, le Nord Caper, de Castaing, et l’Orage de Gaury. J’ai fait tous les Dahl, sauf l’Hourtin. Sur les bateaux au mois, je ne faisais que la cuisine, sur les bateaux à la part, je participais à tout le travail. J’ai navigué pour Dahl jusqu’en 64 ou 65 et je suis parti sur le Géo André et le Guy Boniface, armement Onfroy, à la sardine, sur les côtes du Maroc.

Sur les bateaux de La Rochelle, j’embarquais quatorze jours de viande, les légumes appropriés, des moules et des sardines fraîches. Sur les Dahl, on était quatorze. On a fini avec de grands bateaux superbes, le cuisinier avait son bureau. C’était ultra moderne.

Mon meilleur souvenir à la pêche, c’est quand on rentrait à la maison. Le plus mauvais souvenir, c’est sur le Stern. On était trempés comme des soupes, nuit et jour.

A Abidjan, j’ai trouvé un embarquement à l’Orstom, (Office national pour la recherche scientifique en territoire d’outre-mer), sur le Capricorne comme cuisinier intendant.. Au bout de quelques années, j’ai demandé ma mutation dans le Pacifique, en Nouvelle Calédonie. J’ai embarqué sur le Coriolis.

Mon meilleur souvenir, c’est la géophysique. En Nouvelle-Calédonie, on faisait la pêche aux nodules polymétalliques, par des fonds de 3 000 à 4 000 mètres. Et sur ces fonds, il y a des gisements de dents de requins et le nodule se concrétise sur ces dents en ivoire. J’ai pris ma retraite à 66 ans.

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Le Chaperon rouge, un bateau extraordinaire, un récit de Robert Simonnet

C’était un bateau des frères Paboul.   Il n’était pas costaud, il était pourri, mais pourtant pas une goutte d’eau. II avait un cul de poule et une étrave droite  comme les anciens bateaux. Et ce bateau il volait sur l’eau,  il roulait comme ça, pas de paquets de mer.  Incroyable ! On aurait dit que ce bateau il volait sur la lame quand ont virait en travers.  Extraordinaire ! On ne savait pas pourquoi.  On aurait pu  être en petites bottes ou en sabots.  C’est fou !  Mais Il était pourri.  Quand les panneaux tapaient le long du bord, les taules elles vibraient, elles vibraient ….

Chalutier le Chaperon Rouge

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Récit

  Je m’appelle Julien Thomas, né rue Cardinal à La Ville en Bois, de parents bretons, onze enfants. Mon père était chauffeur sur les vapeurs à La Rochelle. On habitait derrière chez Delmas, le conditionnement de boulets et de briquettes.

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