Pêche

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Premier embarquement sur l’Equipe

Gérard Delage a embarqué sur l’Equipe, anciennement le Gascogne, un de ces anciens vapeurs venus d’Angleterre en « dommages de guerre » et transformés pour la motorisation diesel. Il se souvient du patron, Job Benvel, un bon patron. C’est sa mère qui l’a amené et qui l’a présenté au patron. Il avait son panier avec sa vareuse, son bleu, un pantalon, un ciré, un suroit, des cuissardes. L’accueil était un peu rude : « Mousse, voilà ta couchette ». Le premier ordre qu’il a reçu du bosco, ce fut « Mousse, prends la défense »…Gérard avait trouvé que c’était très lourd ! Il énumère les tâches du mousse : nettoyer le poste d’équipage, apporter les plats, descendre piquer la glace. Quand il n’y avait pas d’avaries, les matelots pouvaient se reposer. Le mousse, lui, il était avec le bosco à monter du matériel, à faire des trains de boules… Sur l’équipe, il y avait une cuisinière au gas-oil, Gérard Delage se souvient encore de l’odeur des sardines mélangée à celle du gas-oil ! Mais, il fait partie des marins qui étaient épargnés du mal de mer « J’ai été parfois, juste un peu dérangé, sans plus… ».

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Un noël en mer en 1969 sur l'Isbé

Un récit d’Alexandre Le Goff

Merci à l’association Autrefois Etel & sa région/Musée des Thoniers, Etel (Morbihan).

Plus de vingt Noël en mer ! Je me souviens particulièrement de ce Noël 1969. J’étais patron à bord de l’Isbé. Nous chalutions, par gros temps, dans les parages du Cap Lewis, point nord des Iles Hébrides (Archipel à l’ouest de l’Ecosse). Accident à bord : une marmite d’eau bouillante se renverse et brûle gravement le cuisinier au bras droit. Je lui administre les premiers soins et après les manœuvres de remontée du filet, nous faisons route sur le port le plus proche, c’est-à-dire Stornoway, dans l’Ile Lewis. A l’hôpital, nous ne trouvons qu’un jeune infirmier de service. Il faut savoir que ce n’était qu’un petit hôpital. Notre blessé ne veut pas y rester. Nous nous rendons alors chez un médecin qui l’examine et lui donne un traitement pour les quelques jours de mer qu’il nous reste… Notre cuisinier est dans l’incapacité de travailler ! Deux matelots acceptent de le remplacer.

17 heures. Nous sortons du port. Le temps est mauvais, je préviens les hommes que l’on change de parages. Nous allons passer la nuit de Noël en route, à l’abri des îles, cap au sud.  Aussitôt les commentaires vont bon train : « Eh bien ! Ce soir, ce ne sera pas comme l’année dernière, toute la nuit de Noël à passer l’aiguille du chalut à poil sur le pont ». Un des matelots qui, l’année passée, se trouvait sur un autre bateau, raconte : « Nous avions fait une palanquée de chiens, au moins 300 potes… (paniers de 40 kg). Le temps de les embarquer, de les ramasser, nous avions passé la nuit à la S.P.A. (Société Protectrice des Animaux). Au prix où ils étaient à cette époque, ça ne valait pas le coup ! ». Les rires fusent, les anecdotes se multiplient, et l’on entend : « Dans le temps, les bateaux stoppaient la nuit de Noël ; ils mettaient à la chôle (en travers, moteur stoppé, moteur auxiliaire en route pour avoir de l’électricité) et les marins chantaient ; les temps ont changé. Maintenant il n’est question que de rentabilité… ». J’arrête tout net ces propos : « Dites, les gars, ce n’est pas encore Noël ! Le travail reste à faire, le chalut est à visiter et demain matin on remet en pêche ». Sur ces fermes paroles, les hommes se remettent à l’ouvrage.

19 heures. Le travail est fini. Le matelot de quart, en prenant la relève, me dit : « Regarde dans la coursive, le menu de ce soir est affiché ; ils se décarcassent les copains ! ».Effectivement, un papier décoré orne exceptionnellement la porte de la cuisine. Au menu :Huîtres, pinces de crabe mayonnaise, ballottine de volaille, dinde aux marrons et Surprise du chef – Vin blanc, vin rouge et Champagne offert par l’avitailleur . Les hommes ont le sourire ! Ca fait plaisir à voir…

21 heures. On passe à table ! Comme nous sommes en route, les hommes de quart font une veille attentive ! La descente du « Minch » (passage entre les Hébrides et l’Ecosse) est toujours une route dangereuse. Le repas restera mémorable : les cuisiniers improvisés se sont surpassés. A cette époque, le travail du marin-pêcheur commençait par un apprentissage de mousse dont l’emploi du temps consistait, à 70%, à préparer les repas de l’équipage, ce qui revient à dire que rares sont les marins qui ne savent pas faire la cuisine…Et voici que la surprise des chefs arrive sur la table : une bûche de Noël confectionnée avec les instruments du bord, crème au beurre tartinée au couteau sur le dessus, mais cela ne fait rien, elle est applaudie et saluée par des chants tandis que coule le Champagne…Relevé de quart ! Le matelot nous annonce que les chansons on commencé sur la fréquence pêche : Il est de coutume, le soir de Noël, que les bateaux de différents ports choisissent leur fréquence et que les marins se fassent plaisir en poussant la chansonnette. La passerelle n’est pas assez grande pour contenir tout l’équipage qui essaie de reconnaître les chanteurs des autres bateaux. A minuit, c’est le cantique traditionnel : « Il est né à minuit le Petit ». Nous chantons jusque tard dans la nuit…

Vers 9 heures du matin, nous arrivons dans les parages du Sud des îles Hébrides. Le temps est beau, je décide de mettre en pêche. Le branle-bas est plutôt pénible : trois hommes ne peuvent se lever (enfin, une fois n’est pas coutume !). Le chalut est quand même mis à l’eau. Quatre heures plus tard, au moment de virer, tous les gars sont présents. Les rigolades et les anecdotes de la veille agrémentent à nouveau le travail… récompensé par un beau coup de filet. Pour beaucoup, ce fut leur meilleur Noël en mer depuis leur jeune âge. Pour moi aussi. Mais il y avait eu ce fâcheux accident.

3 jours plus tard, nous rentrons sur Lorient la tête pleine de souvenirs. Aujourd’hui, au gré de nos rencontres, nous parlons encore de ce fameux Noël. Mais rien, jamais, ne remplacera un Noël en famille…

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25 à 30 litres par marée

A cette époque là, comme dans tous les milieux de travailleurs, ça buvait beaucoup. Chaque marin embarquait à peu près 25 à 30 litres de vin qu’il rangeait sous les bannettes ... Ce n’était pas toujours suffisant mais il s’agissait de ne pas montrer à leurs femmes qu’ils buvaient trop… Alors, quand il n’y en avait plus, certains buvaient de l’eau coupée avec du vinaigre. Ils vous incitaient aussi à consommer aussi de l’alcool. Il fallait devenir un peu comme eux…Moi, ma boisson, c’était 3 litres de sirop de fraise ou des trucs comme ça et puis de l’eau.

 

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Rapport de mer établi par Joseph Coat, père de Louis-Joseph, suite à la disparition du patron de la Joselle, le 16 novembre 1933

 

Monsieur l’Administrateur en Chef de l’Inscription Maritime de La Rochelle

 

Monsieur l’Administrateur,

 

Je soussigné Coat Joseph Marie Ollivier, second à bord du chalutier à vapeur « Joselle » du port de La Rochelle armé par quinze hommes d’équipage, déclare ce qui suit sur la disparition du patron du bord, Le Bloch Georges Joachim né le trois avril mille huit cent quatre vingt seize à La Rochelle, Charente-Inférieure, inscrit à La Rochelle n° mille deux cent vingt trois, breveté patron au bornage du vingt quatre mai mille neuf cent vingt deux, domicilié à La Rochelle rue du Paradis n° huit, marié et père d’un enfant de dix ans.

Appareillés du port de La Pallice le seize novembre mille neuf cent trente trois à quinze heure, faisions route vers les côtes d’Espagne, cap au WqSW du compas. Forte brise d’ENE, mer houleuse, vitesse 10 nds (dix nœuds) ; filé le loch à la bouée de « Chauveau » pris comme point de départ. La nuit, feux de route clairs, services de quart assurés se passa sans incident.

Dans la matinée du dix sept novembre mille neuf cent trente trois, à dix heures quarante cinq, le matelot-cuisinier « Rolland » vint me prévenir au magasin à filets de venir déjeuner. Je me rendis au poste arrière et me mis à table. Le radio télégraphiste et le 1er chauffeur s’y trouvaient déjà ; nous n’attendions plus que le patron. Comme il tardait à venir, je demandais au matelot-cuisinier s’il l’avait prévenu, en même temps que vous me répondit –il.

Tout à coup j’entendis des cris sur le pont : « Stop, stop, en arrière toute ». Précipitamment je montai sur le pont et demandai  aux hommes présents, les chauffeurs « Drévo et Robert », quelle était la cause de cette brusque manœuvre.

Le patron est tombé à l’eau me dirent ils. Un de matelot de quart,  « Guimar » avait déjà lancé la bouée-couronne à la mer. Aussitôt je fis disposer l’embarcation parée à être amenée. La machine étant toujours en arrière toute, le navire évita sur la droite d’environ soixante degrés, je fis mettre la barre à droite toute et lancer la machine en avant toute. Par ce brusque mouvement de giration, le navire eut vite le cap sur le patron que l’on distinguait par moments sur la crête des lames. Ayant fait dresser la barre lorsque le navire fut dans sa direction, je demandai aux hommes postés sur le gaillard, dans la mâture et au dessus de la passerelle, s’ils le voyaient toujours. Non, me répondirent-ils, on ne voit plus rien. J’estime qu’à ce moment le navire pouvait se trouver à environ une centaine de mètres du patron. Je fis alors stopper la machine tout en maintenant le même cap, Est au compas. Dès que le navire eût perdu de son erre, je fis mettre le canot à la mer, armé par deux hommes, les matelots, Douaran et Morillon, munis de leurs ceintures de sauvetage, et les chargeai d’explorer les lieux de l’accident. Moi-même  avec le navire, j’utilisai la manœuvre dite « Deboutakoff » pour effectuer des recherches. A un moment donné je vis l’embarcation en difficulté avec la mer ; je fis route (…) le patron ayant disparu sous les flots. Malheureusement tous mes efforts furent inutiles le patron avait disparu dans les flots. Au moment de l’accident le navire se trouvait par Latitude : quarante-quatre degrés cinquante minutes Nord, Longitude : quatre degrés cinquante trois minutes Ouest Greenwich et il était onze heures. Il n’y avait aucun navire ni aucune terre en vue.

Ayant perdu tout espoir de sauver le patron, je fis prévenir télégraphiquement l’armateur, Monsieur « F.Y Castaing » de l’accident qui venait de se produire et fis mettre le navire à la cape en avant doucement debout à la lame en attendant les ordres. A quinze heures, ayant reçu des ordres par le chalutier « Marie-Gilberte », l’armateur me priant de prendre le commandement du navire, je fis route vers les côtes françaises, cap à l’EqNE du compas, avec le douloureux regret de n’avoir pu sauver mon meilleur camarade.

En cours de route, je questionnai les hommes qui l’avaient vu tomber à la mer, ainsi que les hommes qui étaient de quart à ce moment. Les hommes de quart, « Morillon et Guimar », me dirent que le patron quitta la passerelle sur l’appel du matelot cuisinier pour aller déjeuner, et dans son attitude rien ne faisait prévoir le drame qui allait se produire. Les chauffeurs « Drévo et Robert », qui se trouvaient à table dans le poste d’équipage, virent le patron descendre de la passerelle par tribord, trébucher sur le pont d’un coup de roulis qui l’envoya toucher la lisse par le côté gauche, face à l’arrière ; un autre coup de roulis plus violent le fit décapeler par-dessus la lisse et tomber à la mer. Ce furent ces deux hommes qui  (…) sur l’arrière faire stopper la machine et (…) en arrière toute.

A mon avis le patron a du se blesser au côté gauche en touchant la lisse au premier coup de roulis, s’est penché sur le coté où il a eu mal et n’a pu se dégager à temps de la coursive, avant que le deuxième coup de roulis ne soit venu le surprendre ; un homme à la mer, blessé, malgré qu’il soit de forte corpulence comme il l’était, ne peut résister longtemps, surtout lorsque le mer est grosse ; avec cela il savait à peine nager et je puis affirmer qu’il n’a pu se maintenir à la surface des eaux qu’environ quatre minutes ; sanguin de nature, je présume également qu’il fût frappé de congestion. Il n’a donc pu échapper à la mort.

En foi de quoi j’ai rédigé le présent rapport en double expédition, que je certifie sincère et véritable me réservant de l’amplifier si besoin est.

Le second faisant fonctions de patron.

 

Ont signé après moi les premiers témoins oculaires de l’accident

Fait à La Rochelle, le (…) décembre mil le neuf cent trente trois.

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Drame de mer : décès du frère de Gérard Delage à bord du Luc-Bernard

Serge Delage était embarqué sur le Luc-Bernard quand il a été victime d’un de ces accidents qui ont causé la mort de nombre de marins. Pendant que l’on virait, le croc s’est ouvert et a tapé sur la ferme. Il a frappé le front d’un premier matelot lui faisant un trou dans le front et touché la tempe de Serge Delage qui est tombé dans le coma. Le patron a décidé de gagner le port le plus proche en Espagne à 4 heures de mer. Il a fallu encore deux heures d’ambulance à terre pour les conduire à l’hopital le plus proche. Le frère de Gérard Delage décédera après 6 mois de coma.

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Patrice Souchay : marin pêcheur à La Rochelle

 

J’ai embarqué pour ma première marée en 1968, à quinze ans et demi, après neuf mois à l’école maritime à Port Neuf. J’ai obtenu le CAM qui m’a permis d’embarquer comme mousse sur l’Amadis, un J3 de 32 mètres, chalutier à pêche latérale de l’armement Lebon. Cette première marée a duré quinze jours.

Je suis resté dans les armements industriels : Dahl, Simon Gaury, Horassius, la Sarma, puis la pêche côtière, sur le Gilles Alida. Je suis devenu matelot à 17,5 ans, chez Simon Gaury, sur le Dadas. Je suis retourné à l’école en 1977 pour passer le capacitaire. Cela a fait une remise à niveau. J’ai fait aussi mécanicien puisque j’ai obtenu le 150 chevaux.

J’ai eu un accident en 1988 sur le Wisjari, le tibia et le péroné broyés, à Porcupine. On a pêché un bloc de granit. Il est venu me frapper et m’écraser sur le portique. J’ai été hélitreuillé, par mauvais temps, deux heures et demi d’hélico. On était ouest suroît de l’Irlande. Je suis resté une semaine là-bas puis j’ai été rapatrié à Paris par avion sanitaire puis à l’hôpital de La Rochelle où j’ai été opéré. Je suis resté un an et demi sans travailler. J’étais pensionné, mais j’ai re-navigué quand même. Je suis reparti à la pêche, sur le Boomerang III, avec Dominique Roget comme patron.

Mon meilleur souvenir, c’est la naissance de notre fille que j’ai appris par téléphone. J’étais sur le Kresala, armement Auger. Mon plus mauvais souvenir, c’est l’accident. Le plus mauvais temps, ça a été sur le Wisjari, en sortant de Douarnenez,

A l’époque, il y avait quelque fois des marées néfastes, mais dans l’ensemble, on gagnait bien. J’ai eu ma retraite à 50 ans. Après, j’ai travaillé dans le poisson, chez un mareyeur, Bernard Rivasseau, pendant huit à neuf ans. J’ai passé à 44 ans, un CAP de poissonnier. Quand on est pêcheur, on connaît le poisson, mais pas les filets. J’ai appris à faire du filetage rapide.

Sur le Kresala, en décembre 1983, avec Claude Tanter, on a fait une marée exceptionnelle, on est tombé sur de la dorade, au large des îles Blaskets, dans le canal Saint Georges. On a fait 14 tonnes de dorades. M. Auger, l’armateur, a obtenu un contrat avec l’Espagne. La dorade s’est très bien vendue. le record des ventes à La Rochelle. Après cette pêche, on a refait une marée, juste avant Noël, on est tombé sur du cabillaud, on est allé vendre à Douarnenez. Ces deux ventes réunies nous ont fait une superbe paie. Et j’étais en remplacement. Il y en a qui l’ont eu amer. On avait fait plus de 100 millions (anciens francs) avec la dorade.

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Récit

Le mercredi et le samedi après-midi, il y avait cinéma. On était alors tous assis dans la salle à manger de l’équipage, qui était la plus grande. Les officiers étaient assis derrière sur les fauteuils et l’équipage était assis par terre, avec les canettes de...

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