Fiche du navire
Fomalhaut
Le Fomalhaut (LR5081) est un chalutier classique rochelais construit par l’armement Onfroy en 1964 au chantier Dubigeon de Nantes. Ce bateau de 37 m 65 en acier a été commandé pendant plusieurs années par Yves Joncour. Son nom vient d’une étoile de l’hémisphère sud.
Rapport de mer du Fomalhaut
Je soussigné JONCOUR Yves, patron du chalutier en acier Fomalhaut, appartenant à Monsieur Maurice Onfroy, jaugeant brut 273 tx immatriculé La Rochelle N°5081 armé à la pêche au large par un équipage de 12 hommes tout compris déclare ce qui suit :
Le 10 janvier 1968 sorti du port de La Rochelle vers 13h30 pour les lieux de pêche et être inscrit pour la vente du mercredi 24 janvier. Beau temps NNE.
Je stoppe le 11 janvier vers 4h30 pour mettre en pêche. Une sonde me donne 220m, un point decca une position estimée par Cfe : 46°45’N Ge : 5°15’W sur des fonds de 320m. Faible brise de NNW 10 nœuds. Temps clair. Il y a 1100m de cable filé sur chaque bobine. Soudainement le lock électrique ralentit, un bruit de raclage se fait entendre sur les câbles. Je stoppe. Le matelot de service Marcel Tessol par sur l’arrière larguer le chien ; celui-ci largué, j’effectue une manœuvre qui consiste à revenir sur le train de pêche en sens inverse c’est-à-dire cap au NW à demi vitesse. A peine entamé celle-ci, le câble avant se rabat brusquement sous l’arrière du navire et se rompt. Je stoppe aussitôt et constate que nous sommes tirés en arrière et notre câble arrière passe et repasse sous la cage d’hélice plusieurs fois. J’ordonne au maître d’équipage de filer du câble.
A ce moment là nous apercevons sur l’arrière du navire un fumigène puis presque aussitôt un deuxième fumigène sort de l’eau. Avant ces fumigènes et avant cet incident rien en surface ne pouvait laisser supposer qu’il y avait des sous-marins dans ces parages. J’appelle la station radio du Conquet et l’informe de l’état des choses. J’aperçois alors le kiosque puis le sous-marin qui émerge. Celui-ci est tout peint de noir et me présente aucune marque de signalisation. Je vois sur l’arrière du kiosque notre câble retombant des deux côtés du sous-marin.
Ce submersible se rapproche de nous et se tient au vent par notre travers tribord, il essaie par porte-voix puis par signaux lumineux de prendre contact avec nous, mais trop faible d’une part et indéchiffrable de l’autre il nous est impossible de la comprendre.
J’informe de tout ceci Brest Le Conquet Radio qui me met en communication avec Marine Brest. Celle-ci me demande la description du sous-marin pour l’identifier. A ce moment là je fais hisser les trois lettres du code international « CST » (pouvez-vous quelque chose ?). Sur tableau noir j’inscris les fréquences radio du Conquet que je montre au sous-marin, mais à bord de celui-ci on reste coi. Le sous-marin est éloigné d’environ une trentaine de mètres.
Je décide alors de mettre l’embarcation à l’eau. Celle-ci est montée par le maître d’équipage Blancho et par les matelots Guyot et Michel. Je leur demande d’informer le sous-marin que je serai désireux d’entrer en communication avec lui et de connaître sa nationalité pour informer les autorités compétentes.
Quelques minutes après l’embarcation revient les indications suivantes données par un interprète : « pas d’avaries au sous-marin, longueur d’ondes 281, nationalité anglaise, nom du submersible GRABUS S04, pas de manœuvre de leur côté mais nous de couper le câble à notre bord ».
Une certaine longueur de câble nous relie de la potence arrière au sous-marin. De l’autre côté de celui-ci au vent à lui pend le restant du câble avec tout le train de pêche plus les 1100m du câble avant, celui-ci s’étant rompu.
La montée à bord du sous-marin étant refusée à mes hommes je ne peux que me résoudre à la demande des anglais, couper le câble. Je fais effectuer cette manœuvre et préviens le sous-marin de cette opération. Le sous-marin bat en arrière afin de se dégager. Environ 10 minutes après il semble manœuvrer correctement.
Je suis constamment en relation avec le Conquet qui me prévient que Marine Brest déroute un avion sur nous afin de faire la jonction radio entre le sous-marin et nous.
Vers 16h15 le sous-marin repasse à nos côtés et nous fais signe que tout va bien pour lui et se met en route en surface cap SW.
Vers 16h30 l’avion nous survole et j’entre en contact radio avec lui l’informant que toute manœuvre a cessé et que le sous-marin reprend sa route. L’avion constate ce fait et repart.
Vers 17 heures je mets en route pour La Rochelle après en avoir informé l’armement. CC 115°. Bonne visibilité.
Le peu de câbles restant sur le treuil ne me permettant pas d’assurer la pêche dans de bonnes conditions, de plus la partie arrière ainsi que l’hélice ont été fortement secoués au cours de ces manœuvres.
Dans cette opération nous avons perdu 1100m de câble sur une bobine et 1500m sur l’autre, les panneaux de pêche, le chalut et une paire de bras de 100m joignant les panneaux au chalut sont restés au fond.
Rentrons au port de La Pallice le vendredi 12 janvier 1958 à 8h40 sans autre incident à signaler.
Après avoir porté ces faits au journal de bord je résume le présent rapport que je certifie sincère et véritable me réservant le droit de l’amplifier si besoin est.
Fait à bord le 12 janvier 1968
Joncour
Photo : Lancement du Fomalhaut en 1964.