Fiche du témoin

Prosper Trocmé

Prosper Trocmé est le dernier sardinier d’Ars-en-. Il débute à 14 ans avec son père qui lui apprend le métier, parfois durement mais avec justesse. Lorsqu’il parle de la pêche à la sardine, ses yeux brillent.  Sa passion du métier a été récompensée en 1955 par la médaille de grand sardinier de l’ordre de Saint-Gilles, à Saint-Gilles Croix de Vie.

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La pêche à la sardine, un texte de Prosper Trocmé

 Au petit jour, jumelles en main le patron scrute I‘horizon à la recherche d'indices pouvant indiquer un endroit poissonneux. Il y a les oiseaux et leur façon d'évoluer, la couleur de I‘eau, un changement de courant. Au vu de tout ceci s'opère la pose des plates. La préparation des bailles est le cauchemar des mousses. Ce mélange d'œuf de morue et de farine a fait vomir plus d'un mousse... La pose des plates ou pinassons se fait. Le platier embarque la strouille et son filet qu'il met à I ‘eau, il revient au vent du filet et se tient au vent du filet. Il prend le vent dans le pavillon de l’oreille et jette la strouille par poignée.

La présence du poisson se décèle pour un œil exercé par I ‘apparition de quelques bulles de bourbouil - le platier dans son pinasson suit l'évolution du poisson, qui peut être plus important d'un côté du filet que de I ‘autre. Quand le poisson se rue sur I ‘appât, on aperçoit le frémissement des lièges supportant le filet ; on dit que le poisson travaille. Le marin jugera de la remontée de son filet, car sa plate peut se retrouver dangereusement chargée. Quel régal pour les yeux que ce filet bleu, chargé de poissons argentés frétillants.

Prosper Trocmé et son père pêchant la sardine dans un pinasson

L'accostage du pour embarquer le poisson est délicat surtout s'il y a de la mer, on embosse l'embarcation par I ‘avant et l'arrière et I ‘on embarque le filet sur une grande serpillière pour éviter que le poisson tombe à l'eau, puis commence le Tamisage, qui consiste à faire tomber le poisson du filet. ll faut prendre une bonne poignée du filet dans la main pour que les mailles soient bien ouvertes, les pécheurs secouent le filet en cadence. La sardine se démaille toute seule. On sort le filet de la filière et on te remet en ordre de pêche, pour pouvoir laver le filet qui est plein d'écailles et de sang du poisson.

Les sardines sont comptées 500 par caisse. Ces casiers sont ensuite lavés I ‘un après I ‘autre au moyen de plusieurs seaux d'eau de mer prélevés avec dextérité le long du bord. La vitesse du navire inflige au bras, qui tient la bosse du seau, une secousse assez rude.

Pour la sardine on ne parle pas de poids mais de Mille, puis en fonction de I ‘heure, du lieu ou de la route on fait route vers la terre pour la vente au détail. C'était le travail de ma mère. Pendant ce temps mon père faisait le tour de la commune avec son vélo et criait à la sardine fraîche à la sans sel, et les clients venaient rue du palais avec leur assiette pour acheter la sardine. Pour nous, mon frère et moi, nous mettions les filets à sécher, on lavait les caisses pour enlever les écailles. Il fallait remettre les filets en ordre de pêche, embarquer tout le matériel pour le prochain départ.

 

Nos filets bleus étaient teints de plusieurs nuances de bleu, on avait à bord du bleu de méthylène pour que le filet soit invisible du poisson. C'était toute une préparation. Avec mon père nous avions le respect de notre métier. Nous ne prenions que les sardines qui rentraient dans les boites, pas les grosses ni les trop petites. Nous vendions les sardines à la douzaine. Maintenant les sardines se vendent aux kilos parce qu'il n'y a pas une sardine de la même grosseur. La réserve de poisson n'est même pas à un dixième de ce qu'elle était en 1945, toutes espèces confondues.

La sardine

La sardine est un poisson difficile à cerner car elle se déplace suivant la salinité et la température de  l’eau. Il a été constaté que les années de disette de 1902 à 1913 et en 1917 étaient dues aux changements de température de I ‘eau devenue trop froide, ce qui amena de longues décennies de quasi disparition de ce poisson, puis d'autres années de pêche fructueuse. Il existe également un problème de reproduction lorsque les sardines composant les bancs qui arrivent du large ne sont pas parvenues à leur entier développement ; elles sont à environ la moitié de leur croissance et n'ont pas encore pris part à la reproduction.

Ces problèmes de non reproduction sont souvent liés à des crises climatiques qui sont quasi-périodiques et polycycliques, leurs périodicités sont semblables à celle de I ‘activité solaire et provoque des fluctuations de la biomasse des océans. Ces poissons comme l'anchois, les sprats et les sardines ne trouvent plus leur nourriture car ce sont des espèces pélagiques. Ces crises reviennent et disparaissent comme elles viennent. 2008 et 2009 sont des années sans naissance de ces Poissons. Les bancs de sardines contiennent des milliards d'individus, ils sont poursuivis dans leurs  déplacements par une foule d'ennemis : les oiseaux des mers, les dauphins, les thons rouges, les maigres, les marsouins. C’est en partie pour se protéger de ces prédateurs que les pêcheurs Bretons ont employé de plus en plus la farine d'arachide faite de cacahuètes pour masquer la sardine aux yeux des prédateurs. On a utilisé cet appât d'un prix réduit d'une façon courante depuis 1875, On a du mal à imaginer de nos jours I ‘importance des flottilles de bateaux ayant pratiqué la pêche à la sardine sur tous les ports du littoral atlantique par le passé.

Il y a eu environ 250 usines à sardines de Douarnenez à ST Jean de Luz  -Aux Sables d'Olonne, il y avait 17 usines en 1950. Un demi-siècle a suffi pour faire évoluer complètement la construction des bateaux. La chaloupe creuse ou la petite pinasse ne sont plus que des souvenirs...

 

Prosper Trocmé, dernier sardinier de l’Ile de Ré

 

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