Fiche du témoin

Marcel Richard

Le grand-père de Marcel Richard était chef de gare et sa vocation était d’être cheminot… pas marin ! Le sort en a décidé autrement et après une formation de tourneur sur métaux, il embrasse la carrière de marin comme pilotin machine à bord du Rochefort de la SNDV (Société Navale Delmas-Vieljeux). C’est ainsi qu’il montera pour la première fois à bord du France I comme ouvrier mécanicien en décembre 1960. Il cessera de naviguer quelques années plus tard pour travailler pendant 40 ans au Bureau Veritas

Navires

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Premier embarquement à bord du Rochefort

Un texte de Marcel Richard

 Le matin du 28 Avril 1955, je passais la visite médicale réglementaire imposée par les Affaires Maritimes. A midi, l’atmosphère du repas familial avait quelque chose d’étrange, un mélange de fébrilité (car il ne fallait rien oublier), l’inquiétude de maman qui pour la première fois allait être séparée pour longtemps de «son grand» et qui avait quelques peines à y croire, l’excitation de mon frère et de ma sœur, les jumeaux, devant ce remue-ménage inhabituel et l’assurance trompeuse de mon père qui voulait à tout prix ne rien faire paraître de ses vraies pensées (très dur pour lui-même, c’était un grand sensible !)

En fin d’après midi, j’embrassais une dernière fois maman et les jumeaux, puis, valise à la main, accompagné de mon père, je descendais l’avenue Coligny pour prendre le bus Avenue Carnot et c’est ainsi que je me suis retrouvé au môle d’escale de La Pallice face à mon nouveau monde : le Rochefort. Le voici tel qu’il m’apparut ce jour là. Coque noire, pavois blanc, listel de flottaison blanc, œuvres vives rouges, château et dunette arrière blancs, mâture crème, la cheminée à top noir portait la roue de Mulhouse (emblème de la SNDV) sur fond bleu. Au premier abord, il ne m’apparut pas très impressionnant mais à cela il y avait une explication : le quai du môle d’escale est relativement haut par rapport au niveau de la mer et le cargo arrivait tout droit de côte d’Afrique, chargé aux marques ; une partie seulement de sa pontée ayant été déchargée il ne laissait guère apparaître sa véritable masse car le pont au niveau du quai.

Le Rochefort était l’un de ces nombreux « Liberty ships » construits en série de 1941 à 1945 lors du dernier conflit mondial pour transporter troupes et matériel de guerre. 76 d’entre eux furent acquis à la fin de la guerre par le gouvernement Français pour reconstituer une flotte marchande sérieusement décimée pendant ces années noires. La gérance de ces navires (tout baptisés du nom de villes Françaises martyrisées) fût confiée à plusieurs armateurs français. Delmas Vieljeux pour sa part s’est vu attribuer 10 de ces navires : Les La Rochelle, La Pallice ; Rochefort ; Royan ; Verdun ; Bernières ; Argentan ; Colmar ; Pont l’Evêque et Port en Bessin Le Rochefort avait été lancé en avril 1943 sous le nom de John Chandler (comme sur tous les Liberty ships de ma connaissance le nom d’origine était inscrit sur une plaque de laiton. Je m’en souviens encore, apposée dans la chaufferie entre les deux chaudières). Il avait été construit aux chantiers « New England Shipbuilding Corporation, West Yard. South Portland, Maine, n° de construction : 215 Ses caractéristiques principales étaient les suivantes :

Longueur hors tout : 134,71 m

Largeur hors membrure : 17,37 m

Creux sur quille : 11,37 m

Port en lourd : 10 844 t

Déplacement en charge : 14 498 t

Deux chaudières Babcock & Wilcox, fournissant la vapeur surchauffée à une machine alternative à triple expansion (cylindres HP , MP et BP) dont la puissance (environ 2 500 ch) semble faible par rapport à la taille du navire. (C’est probablement grâce aux qualités hydrodynamiques de sa carène que le navire, malgré cette faible puissance, transportait ses 10 000 t de fret à la vitesse de 10,5 nœuds). La vitesse de 11 nœuds que l’on trouve sur certains ouvrages est en fait la vitesse aux essais, donc un peu exceptionnelle. Cette machine avait été construite par « Harrisburg Machinery Corporation » à Harrisburg en Pennsylvanie

Sur cet extrait du registre 1957 du Bureau Veritas certains chiffres diffèrent légèrement, mais je peux assurer qu’à bord, nous ne nous en rendions absolument pas compte !

 Lors de mon embarquement l’équipage était composé de 41 personnes :

 Etat major

Officiers « pont » : Commandant, second capitaine, 1er lieutenant , 2ème lieutenant, un officier radio

Officiers machine : Chef mécanicien, second mécanicien, 3ème mécanicien, 4ème mécanicien

 Ceux qui n’étaient ni officiers ni subalternes : Un écrivain, deux pilotins « pont », un pilotin « machine » (votre serviteur)

Maîtres

« pont » : un maître d’équipage, le « bosco », un charpentier

« machine » : un ouvrier mécanicien (le graisseur « extérieur »)

 Subalternes

Equipage « pont « : 8 matelots, (dont un « postal ») ; un novice

Equipage « machine » : 3 graisseurs ; 3 chauffeurs ; 2 nettoyeurs, un novice

Personnel ADSG

4 Agents du service général

 

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