Alexis Pierre : graisseur sur l’Angoumois
Un texte de Yves Gaubert
Alexis Pierre est devenu marin pêcheur après 3 ans dans la marine nationale, il a fait 5 ans la pêche à la morue à Terre Neuve avant de naviguer à La Rochelle tout le reste de sa carrière. Il a été graisseur sur l’Angoumois.
« Je suis originaire du Morbihan. J’ai fait une formation de mécanicien à Vannes, puis je me suis engagé dans la marine nationale pour naviguer. Mais ils m’ont mis dans l’aéronautique et je n’ai pas navigué. « T’as signé, t’as qu’à morfler ! » J’ai été à Hourtin, puis à Cuers à côté de Toulon. J’ai fini comme quartier maître.
Au retour je suis parti à Terre Neuve avec l’armement Vidal de Bordeaux. Je naviguais sur le Pierre Vidal, un bateau de 72 mètres avec 60 hommes à bord. C’était un chalutier classique à pêche sur le côté. C’était en 1951. J’étais embarqué comme chauffeur, puis premier chauffeur. C’était des moteurs diesel. On restait à la machine, 8 heures de quart et 2 heures de propreté. Après sur l’Angoumois, il fallait aller au poisson.
A cette époque, les commandes étaient dans la machine, le capitaine bougeait le chadburn pour prévenir, en avant, en arrière, etc. Maintenant, le capitaine fait tout depuis la passerelle.
Après j’ai travaillé sur les industriels de La Rochelle, J’ai commencé sur le Lavardin comme graisseur, j’ai fait toute ma navigation comme graisseur. Je triais le poisson avec les autres. Pendant qu’ils réparaient le chalut, on triait le poisson et on le rentrait dans la cale. J’ai fait une ou deux marées chez Frédérique
J’ai pratiqué le métier jusqu’à 50 ans. J’ai arrêté en 78, il y a 33 ans. De 50 à 60 ans, j’ai travaillé au garage Citroën à La Rochelle. J’ai quitté la pêche à cause de ma femme qui trouvait le temps long. Sinon, j’aurais continué.
Quand il y avait beaucoup de poisson, on coupait la marée, on rentrait pour vendre plus cher. L’important c’était d’être avec un bon patron.
Des tempêtes, il y en a eu. A Terre Neuve quand il y avait une tempête on mettait les fûts de 100 litres pour filer de l’huile. Une fois, Les fûts de 100 litres sont tombés par la claire voie sur la machine, heureusement ils n’ont pas crevé.
Je suis resté fidèle à un bateau et à un patron, Vincent Jego. J’ai navigué 12 à 13 ans avec lui. Mon premier pêche arrière a été l’Adrien Pla, on allait chercher du poisson en Mauritanie pour le ramener à La Rochelle.
L’Angoumois a été mon dernier bateau, j’ai fait aussi le Saintonge. Je faisais par moments de remplacements de second. Sur ces bateaux-là, quand on arrivait, on mettait le panier à terre jusqu’au départ. Des gens à l’armement s’occupaient de tout le matériel et du déglaçage. On est parti une fois la veille de Noël après un mois de réparation. On étaient mécontents et nos femmes aussi.
J’ai eu deux enfants, je ne les ai pas vu grandir, c’est un choix. Mes grands-pères ont navigué, on habitait juste au bord de la mer, les grandes marées, ça rentrait dans le jardin. J’ai eu un oncle dans la police maritime, Mes grands-pères avaient fait Terre Neuve avec les doris, nous on était à l’abri, c’était plus pareil.
J’ai un copain qui a commencé comme moi à Terre Neuve, il a fini commandant au long cours. Ils me disait : viens donc passer les examens. Mais je suis resté graisseur. »