Fiche d'un lieu
Bacs et passages d'eau
Pierre Loti, Gustave Perreau, New Rochelle, Coligny… Les bacs se sont retrouvés au chômage après la mise en service du pont de l’ile de ré en 1988. Les anciens en garde une certaine nostalgie.
Robert Aujard : Mes journées d'enfance à bord du bac de l'Ile de Ré
Dans les années 50, lorsque le temps le permettait, le jeudi, jour de repos scolaire, je prenais mon vélo et quittais la maison de La Rochelle pour passer la journée à bord du bac ou je retrouvais mon père. Arrivée à La Palice j’attendais l’arrivée du bateau. J’en profitais pour dire bonjour à mon oncle qui vendait les billets pour la traversée des voitures. Il passait ses journées, une sacoche en bandoulière au tour du cou, le long des files d’attente des voitures. Aussitôt le bac accosté, j’embarquais et montais directement à la passerelle. Là je passais une grande partie de ma matinée à faire les voyages La Pallice-Sablonceaux et retour, mais surtout, j’avais l’autorisation du second, de tenir la grande barre qui permettait de contrôler le gouvernail qui dirigeait le bateau. Je « conduisais » le bac. Une traversée durait encore 20 mn et plus selon la force des courants au moment des changements de marée. Il ne fallait pas gêner les mouvements dépôt pétrolier vers le môle d'escale ou la rentrée le cargo dans le port, car il n'était pas maitres de leurs mouvements ni de leurs manœuvres. Dans ces conditions nous restions au ponton de La Palisse ou bien nous faisons des ronds dans l'eau du côté de Sablonceaux. A bord l'équipage ce composait de sept membres trois matelots, deux pour les amarres et le placement des voitures sur le pont, ainsi que pour manipuler des grande plaque en acier du ponton, au pont du bateau, elles servaient à l'embarquement des véhicules. Le troisième s'occupait de la cuisine et aidait ses camarades lorsqu’ils le pouvaient. A la machine il y avait un chef mécanicien et un mécanicien plus communément nommé graisseur. A ce poste j'avais un autre oncle. En haut, à la passerelle se trouvait le second ou bosco et mon papa qui était le capitaine. A l'heure du déjeuner l'équipage se scindait en deux car le bac n'arrêtait pas ses allers et retours. La première équipe était composée du Bosco, du graisseur, d’un des matelots et du cuisinier. Pour la seconde équipe il y avait le capitaine, le chef-mécanicien, l'autre matelot et moi lorsque je me trouvais là. Souvent l'après-midi je rester sur le ponton de Sablonceaux à essayer de pêcher au lancer des poissons « des maigres ». Lorsque par hasard un poisson mordait, l'homme qui restait sur le ponton pour attraper les amarres venait m'aider à le remonter. Je me souviens d'un, surnommé « le bossu ». Il me faisait très peur. Le soir après la dernière traversée, le bateau s’amarrait au ponton de La Palice. Les membres de l'équipage qui habitaient sur l'île de Ré, vivaient à bord pendant quatre ou cinq jours et ne retournaient chez eux qu’une fois leur service terminé, pour trois jours de repos. Pour moi mon vélo stocké dans la deux chevaux de mon père, je rentrais, je rentrais, moitié endormi, à la maison, heureux d'une journée bien remplie.
Robert AUJARD