Fiche d'un armement

Dahl

Oscar Dahl est l’armateur à la pêche à vapeur de La Rochelle le plus emblématique avec son concurrent direct Fernand Castaing. Le Norvégien débarqué en 1895 en France a fondé un petit empire industriel où toutes les activités sont intégrées depuis la production jusqu’à la distribution. Il a inspiré à Georges Simenon le personnage d’Oscar Donadieu, l’armateur, dans son roman, « Le testament Donadieu ». C’est l’histoire d’une réussite qui a fortement marqué la pêche rochelaise entre les deux guerres.

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Yves Gaubert : L’armement Dahl : les Pêcheries de l’Atlantique

Un texte de Yves Gaubert

Originaire de Norvège où il est né en 1870, Oscar Dahl a quitté son pays en 1895 pour chercher fortune en France. Installé à La Rochelle, il épouse la petite fille du peintre et écrivain Eugène Fromentin. En 1904, il crée un armement à la pêche, les Pêcheries de l’Atlantique, qui va devenir un des plus gros armements de La Rochelle. Ses chalutiers portent sur leur cheminée un trèfle à quatre feuilles rouge.

Il donne à ses bateaux des noms de phares ou de lieux marins remarquables : Antioche, Les Baleines, Les Barges, La Banche, Chanchardon, La Coubre, Goulphar, Le Grouin du Cou, etc. Ce sont tous des chalutiers à vapeur, en acier, dont certains ont été achetés en Angleterre. Entre 1911 et 1919, Oscar Dahl s’associe à un avocat rochelais, Henry Garrigues, pour gérer deux chalutiers, le Chauveau et le Cordouan.

L’armement a ses bureaux 29 quai Valin près du phare. L’entreprise intègre l’amont et l’aval dans son activité. Elle importe du charbon pour alimenter les chaudières de ses navires, fabrique des caisses à poisson. Son usine à glace en livre 120 tonnes par jour pour approvisionner les bateaux au départ des marées. La société emploie du personnel dans ses ateliers et forges de marine au Gabut pour les réparations et la maintenance de la flottille. Soixante dix personnes y seront employées au plus fort de l’activité. Le poisson est débarqué par transporteur automatique dans une pêcherie appartenant à l’armement qui a donc aussi une activité de mareyeur. Les Pêcheries de l’Atlantique occupent, à partir de 1926, une des cinq pêcheries construites par la chambre de commerce sur le quai Est du bassin des chalutiers pour y accueillir les armements industriels.

Dès 1912, Oscar Dahl a ouvert une usine à Aytré pour y transformer les déchets de poisson en farine et en huile, pour l’alimentation du bétail, entre autres. L’armement développe aussi une flotte de camions pour livrer le poisson dans ses cinquante deux succursales. L’entreprise possède même un garage pour la location et la réparation des automobiles.

Au début des années 1900, les chalutiers de l’armement travaillent avec le chalut ottertrawl dont les panneaux divergents sont fixés à l’extrémité des ailes. Ce type de chalut n’est pas totalement satisfaisant car l’ouverture de la poche du chalut est limitée. Oscar Dahl travaille d’abord avec un ingénieur anglais, salarié de l’armement, William Black, pour améliorer le système. En 1920, il rencontre Jean-Baptiste Vigneron, un armateur de Sète qui a déposé un premier brevet d’invention en 1912 pour un nouveau chalut. Les deux hommes s’associent pour mettre au point ce qui sera appelé le chalut Vigneron-Dahl (VD), compromis entre l’ottertrawl et le chalut tiré en bœufs par deux bateaux.

Dans le chalut VD les panneaux divergents sont fixés non plus à l’extrémité des ailes, mais sur les funes à une distance suffisante pour favoriser une large ouverture grâce à la traction du bateau. Un brevet est déposé et le chalut est adopté par d’autres armements qui paient une licence d’utilisation. D’autres armements mettent au point un chalut proche et refusent de payer. C’est le cas de la société Les Chalutiers de La Rochelle, créée par Fernand Castaing.

Fin 1922, Oscar Dahl attaque son concurrent en justice pour contrefaçon. La procédure avec procès en appel dure jusqu’en 1928. Le brevet Vigneron-Dahl est enfin reconnu et les deux associés peuvent commercialiser leur invention. Au-delà de l’épisode judiciaire, le nouveau chalut relance la pêche rochelaise. Le nombre de chalutiers passe de trente cinq à soixante cinq, mais cette augmentation porte en germe le risque de sur-pêche. Dans les années trente, la ressource commence à s’épuiser.

Pionnier en bien des domaines, Oscar Dahl a installé des émetteurs radio sur ces chalutiers dès 1920. Ils ont émis d’abord en morse puis en phonie. L’armateur a essayé la congélation à bord en 1928. La guerre va stopper tout cet élan mais va, en même temps, permettre un repeuplement des fonds.

En 1945, Oscar Dahl a 75 ans. Il va continuer à diriger son armement jusqu’à sa mort en 1949. Jacques Babinet, son beau-frère prend alors la direction de l’entreprise. William Black est rentré dans son pays pendant la guerre et y est mort. Il est remplacé par Alexandre Cousin que vient renforcer un jeune ingénieur d’armement, Emile Vinet. Celui-ci relance l’activité faisant réparer les chalutiers rescapés de la guerre et commandant la construction de bateaux neufs. L’armement passe de la vapeur au diesel, un nouvel épisode pour cette aventure industrielle. Celle-ci va s’achever après la mort de Jacques Babinet en 1968. Le gendre d’Oscar Dahl, Bernard de Suyrot, est contraint de liquider l’entreprise dans la première moitié des années 70. Ce qui fut fait dans le respect du personnel, selon Emile Vinet.

Yves Gaubert

 

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