Fiche d'un armement

Dahl

Oscar Dahl est l’armateur à la pêche à vapeur de La Rochelle le plus emblématique avec son concurrent direct Fernand Castaing. Le Norvégien débarqué en 1895 en France a fondé un petit empire industriel où toutes les activités sont intégrées depuis la production jusqu’à la distribution. Il a inspiré à Georges Simenon le personnage d’Oscar Donadieu, l’armateur, dans son roman, « Le testament Donadieu ». C’est l’histoire d’une réussite qui a fortement marqué la pêche rochelaise entre les deux guerres.

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Les essais après déréquisition du Penfret 2

Texte écrit par Emile Vinet

Le Penfret 2, transformé en auxiliaire militaire, avait été coulé par un bombardement aérien dans les dépendances, sur le lac, de l'arsenal de Bizerte. A la libération les autorités de la Marine Militaire jugèrent qu'il pouvait être remis en état pour être restitué à son armateur. Après renflouement, des réparations provisoires suffisantes furent effectuées par l'Arsenal pour permettre sa venue à la Rochelle en vue de sa re-transformation en chalutier. Travaux sans doutes fort coûteux pour la Marine destinés, sans doute aussi, à justifier le maintien des activités de l'Arsenal de Bizerte.

En accord avec Marine Nationale, Ministère de la Reconstruction, Affaires Maritimes, Bureau Véritas etc. … les travaux définitifs, énormes, avec nombreuses surprises (sauf pour les initiés) avaient été confiés conjointement à plusieurs des principaux chantiers de La Rochelle et de La Pallice, dont l'Atelier Dahl, en concertation avec l'ingénieur d'Armement Monsieur Cousin (et moi-même sur le terrain…).

A l'issue des travaux, avant la remise des documents officiels de transfert, comme dans tous les cas semblables, le bateau devait satisfaire à un programme très élaboré d'essais permettant de constater contradictoirement la bonne qualité des travaux effectués et le bon fonctionnement du navire redevenu apte au service qu'il allait devoir assumer de nouveau. Une attention particulière était accordée au problème des hélices. Lors de leur mobilisation, suivant leur utilisation, les bateaux avait été équipés d'hélices très différentes des hélices de chalutage qui avaient été abandonnées au hasard des opérations. Beaucoup avaient , à bord, des hélices de rechange militaires, impossibles à identifier "à vue".

Pour éviter les déboires de bateaux d'autres armements qui avaient dû interrompre leurs premières tentatives de pêche à cause d'hélices inadaptées, j'avais avec l'aide du bureau d'étude des Chantiers Navals fait confectionner par notre atelier un appareil permettant de mesurer toutes leurs caractéristiques. Curieusement, nos recherches dans les différents chantier, à la base sous-marine(des prisonniers allemands nous aidèrent) et même dans d'autres ports, permirent de découvir une pléthore d'hélices… généralement inutilisables. Celle qui l'étaient servirent de modèles de fonderie.

A l'issue de la journée d'essais du Penfret, débarqué à La Pallice ainsi que la commission d'essais et les mécaniciens de terre je suis venu quai Valin rendre compte à Monsieur Cousin, qui devait m'y attendre, du résultat des opérations. Equipage à bord, le bateau repartait directement en mer, sur les lieux de pêche.

La première personne rencontrée quai Valin, dans l'escalier, fut Monsieur Dahl qui s'étonna de me voir là, à sept heures du soir, en bleu de chauffe.

A mes premières explications répondit une explosion de colère plus ou moins feinte "Comment ? Ce matin Monsieur Cousin m'a dit que le Penfret était parti en pêche ! j'avais dit : "Pas de faux départ !"

Ayant pu amorcer moi-même des explications véhémentes, maintenues difficilement entre déférence et insolence, je laissais entendre qu'il serait impensable de laisser partir en mer des équipages sans essais rigoureux de bon fonctionnement après des travaux de refonte complète de bateaux qui avaient été si maltraités : essais conduits à bord par une commission très officielle, dont le coût pour l'armement (équipage, mécaniciens de terre, matières consommables etc.) devait être scrupuleusement pris en compte dans la ventilation des opérations comptables finales, avec facturation spécifiques ! C'est seulement à la suite de ces essais contradictoires et probatoires de bon fonctionnement qu'étaient signés les documents de (re)transmission de propriété, de la Marine Nationale à l'Armateur, représenté à bord par… l'ingénieur d'armement.

Sans un mot Oscar Dahl me laissait parler… au point que j'en était gêné… "Très bien Monsieur Vinet" en appuyant ostensiblement sur le "Monsieur" avec une pointe d'ironie, alors que la plupart du temps, il appelait ses collaborateurs par leur seul nom, même son secrétaire depuis 40 où 50 ans, Jean Dhoste. (j'entends encore : "DHOSTE !").

Malgré mes craintes je sentis que j'avais gagné une partie qui m'avait définitivement placé dans la hiérarchie des considérations établies par Oscar Dahl (plus peut-être que le travail que je faisait…)

 

LE PERSONNEL DE LA MAISON DAHL

 

Aucune archive ne semblent avoir été conservée par les descendants d'Oscar Dahl, seuls propriétaires de l'entreprise il est impossible de rétablir un organigramme des différents services ni de préciser les effectifs de leur personnel au cours des différentes époques.  

Le service le plus important était bien sûr l'armement à la pêche, base initiale de l'entreprise, aux premières années du vingtième siècle. La notoriété de l'Armement était telle dans le monde des marins (qui alternaient souvent avec la navigation au commerce : mécaniciens, opérateurs radio…) qu'on le désignait partout comme "La Compagnie Dahl", comme on parlait de "La Compagnie des Chargeurs Maritimes", "Transatlantique", "Delmas Vieljeux", etc.

Vers 1960 l'effectif navigant simultanément devait être de l'ordre de 300 personnes. Le personnel terrestre lié directement à la flotte de grands chalutiers était un peu moins nombreux :

-  Bureaux de l'Armement : comptabilité, gestion administrative des équipages
-  Magasins et confection de matériel de pêche : filets, accessoires, peintures
- Ateliers de réparations, hautement polyvalents, travaillant aussi pour une clientèle extérieure, d'autres armements et pour les aurais services de la maison : garage transport, fabrique de glace, farine de poisson, charbonnages, fabrique de boulets de charbon, etc…)

Chaque service, sur son site, avait sa propre organisation, une coordination générale s'effectuant au "Grand Bureau" du quai Valin évoqué par Simenon.

Au total dans les années fastes qui suivirent les deux guerres la "Société " a dû employer environ un millier de personnes, surtout si l'on tient compte du personnel, difficile à cerner, des "Comptoirs excentrés" des "Pêcheries de l'Atlantique".

A Paris comme à La Rochelle on parlait de la "Grande Maison" dans les milieux sélects de l'Assurance Maritime (assurance de la flotte et correspondance, représentation d'assureurs étrangers) ainsi qu'au Ministère de la Marine Marchande ; "Grande Maison" réputée par la correction de toutes ses relations en affaires.

Ville de la Rochelle Musée DRAC Poitou Charentes FAR Ami du musée